top of page

Mumbai

Mumbai

Dimanche 15 mars 2015

Nous sommes arrivés à Mumbai le dimanche matin à 6h. Notre hôtel est la YMCA située vers la gare Mumbai Central.

Vue depuis notre fenêtre

2015-03-16 18.36.42.jpg

Nous devons commencer une mission le lendemain pour le social business GreenLight Planet, qui fournit des lampes solaires à bas coût pour des populations non raccordées aux réseaux d’électricité. C’est un gros social business, qui est presque quasiment for profit. Ils ont ouvert des bureaux aux Etats Unis, en Afrique et en Amérique Latine (?). Planète d’Entrepreneurs avait réalisé une étude bénévole pour le petit social business qu’ils étaient en 2012. Ils sont revenus vers nous cette année, et la structure (Planète d’Entrepreneurs à Paris), pense que nous pouvons leur “vendre” la mission. Il s’agit plutôt de se faire défrayer toutes les dépenses que nous devrons engager pour la mission, notre travail restant bénévole. Nous sommes arrivés à un budget aux alentours de 8000 euros. Le social business est revenu vers nous en nous expliquant que c’est trop cher et qu’ils souhaiteraient ne pas payer pour nos billets d’avion (pour rentrer et sortir d’Inde). C’est compréhensible et nous leur avons donc proposé de les rencontrer lundi pour négocier finalement sur le budget.

Prince of Wales museum

2015-03-15 15.16.42.jpg

Après une petite sieste matinale pour récupérer de notre trajet en train, nous partons en vitesse visiter Mumbai. Après un déjeuner épicé, nous visitons le musée Prince of Wales, sorte d’immense palais où l’art indien est très bien expliqué. Dans le parc, des petites sculptures blanches qui ressemblent à des fleurs. Elles font partie de l’exposition “Open to Join” lancée par le Goethe Institute. Nous prendrons le temps de visiter l’expo principale le samedi prochain. Nous comprenons que les sculptures blanches sont des moulages de la trace qu’a laissée l’artiste en faisant pipi dans la neige. Quand on repense à toute la bonne société et aux touristes qui s’extasiaient devant...

Ensuite nous nous baladons dans le quartier de Kala Ghoda (Cheval Noir). C’est le quartier qui “monte” selon le routard, et dans les galeries il y a un festival de photo (Focus 2015). Nous avons du mal à visiter beaucoup de galeries car le dimanche, elles sont nombreuses à être fermées. Nous visitons quand même un super espace d’exposition “Clark House” et rencontrons un artiste indien, Amol Patil qui nous explique une oeuvre d’une autre artiste. Il nous montre aussi une ou deux de ses oeuvres. Il est très sympa et nous prenons son numéro.

Cécile absorbée par des photos

2015-03-15 15.34.07.jpg

Le soir, nous avons pris une place dans un bus de deux étages qui font une visite guidée de la ville. D’abord on tourne dans les vieux quartiers que l’on a déjà vus. Bombay est une belle ville avec des vieilles rues, mais beaucoup de panneaux défigurent les facades. Le plus vieux café de la ville, Leopold a par exemple sur toute sa devanture un écriteau de Coca Cola (certes “vintage”). Mais on s’éloigne du centre que l’on connaît et là on est projeté dans une autre ville. C’est Cambridge. Une grande tour type Big Ben, une bibliothèque, un parc immense et d’un seul coup: Victoria Station avec en face la mairie de Bombay. On dirait Notre Dame de Paris, et c’est la plus grande gare du monde.

Ah oui j’ai oublié de décrire l’ambiance au sein du bus. C’est la folie du selfie, avec les parents qui ne font rien pour contrôler un tant soit peu les cris de leurs enfants, avec à l’avant le guide qui décrit faiblement les bâtiments qui défilent devant nos yeux. C’est l’heure de rentrer à notre hotel.

Victoria Station qui bouge

2015-03-15 20.49.58.jpg

Lundi 16 mars

Ce matin, lever à 7h45 pour aller à la piscine d’un autre YMCA qui ferme à 9h. C’est tout un poème, il faut avoir une autorisation de la part de mon YMCA, puis une fois arrivé ils rédigent un rapport sur ma venue. Une fois dans l’eau c’est la déception. Il y a beaucoup de monde et pas de lignes... Je me retrouve donc pendant 45 minutes à slalomer entre les Mumbaikar (habitants de Bombay). L’eau est froide et je me lasse assez vite de ne pas pouvoir nager facilement. Je retourne voir Cécile.

Nous recherchons toute l’après-midi des entreprises sociales pour la suite du tour. Cécile ajuste les rendez-vous pour les interviews que nous allons faire les jours suivants.

GreenLight Planet nous rappelle: pas possible de les rencontrer dans leurs locaux aujourd’hui. Nous devons aller à un café en bas de là où habite le directeur marketing car il est malade. Nous sommes d’accord, mais finalement il préfère nous téléphoner. Au téléphone, il est très expéditif. Il nous fait savoir qu’ils avaient prévu plutôt 4000 ou 5000 euros pour notre étude, mais qu’il discutera dès demain avec la finance pour un budget de 6500. Nous sommes donc un peu rassurés, et attendrons son appel.

Le soir, nous allons à Khala Goda, à la recherche d’un nouvel hôtel moins cher. Nous trouvons Hotel Lawrence, qui a de la place pour 3 jours pour nous dès demain. L’hôtel est deux fois moins cher et deux fois plus central. Par contre, en Avril l’hôtel va fermer pour raisons légales. Seul point négatif: plus de wifi. Ah et il n’y a pas de prises électriques non plus dans les chambres.

Mardi 17 mars

Ce matin, j’ai un interview avec BloodIS, une application pour mettre en relation les hopitaux qui ont besoin de sang et la croix rouge qui organise la collecte. Ils veulent aussi développer une application grand public pour promouvoir le don du sang. Ensuite, nous devons filer à Navi Mumbai qui se situe à 1h30 de train de la gare. Nous avons rendez-vous avec avec Saakar Innovation. Ils produisent entre autres une machine qui permet de fabriquer des serviettes hygiéniques à moindre coût. Nous rentrons à Mumbai il est déjà 19h. C’est le soir du grand déménagement entre YMCA et Hotel Lawrence.

Vue depuis l'Hotel Lawrence

2015-03-16 18.36.50.jpg

Mercredi 18 mars

Nous n’avons pas eu hier de nouvelles de la part de GreenLight Planet, nous commençons à être inquiets. Nous avons un interview avec Mediangels à midi. L’entreprise n’est pas réellement un social business mais c’est tout de même intéressant. Au sortir de l’interview nous appellons GreenLight qui nous apprennent que la mission est annulée... Ceci par SMS. Nous les rappellons illico et ils nous font savoir qu’il s’agit d’un problème de budget. Impossible d’avoir le directeur marketing, il voyage. Nous expliquons donc à Dhwani, qui est manager, que nous sommes d’accord pour ce dont le directeur marketing nous a parlé...

Sur les conseils de Mathieu, nous allons au Café Zoé. En effet, il travaille et vit au nord de Mumbai et nous avons simplement besoin d’internet et d’une prise pour travailler. Cela nous permet de continuer à chercher ainsi que de mettre à jour le blog avec les photos d’Inde. Le soir Mathieu et Aurélia nous rejoignent et nous racontent leur vie à Mumbai. Ils ont l’air super épanouis, même si Aurelia travaille en M&A (Fusion et Acquisition). Nous buvons une bière fermentée sur place. Puis nous mangeons dans un bon restaurant thaïlandais. Ils sont atterés par l’interdiction dans l’Etat de Mumbai du boeuf: il n’est plus possible d’en manger et la peine pour vente de boeuf est de 5 ans de prison (plus que les 3 ans requis en cas de harcèlement sexuel). Nous en reparlerons aussi avec Audrey, il s’agit d’une mesure totalement pro-hindous, qui pénalise donc les minorités, en particuliers les musulmans pour lesquels il s’agit d’une viande bon marché. Ils sont vraiment cools, nous proposent d’habiter chez eux, nous donnent un contact pour trouver des social business. Mathieu a joué dans un bollywood et dans quelques publicités. Il nous dit en rigolant que c’est une bonne solution car c’est assez bien payé si l’on est amenés à rester plus longtemps que prévu à Mumbai. Nous prenons le contact de ses 3 agents. Ils nous expliquent que le sud de Bombay où nous habitons est le quartier des vieilles familles riches, alors que le nouvel endroit qui bouge est leur quartier: Bandra. Nous leur promettons d’y faire un tour et espérons les revoir !

Dans notre quartier, par la fenêtre d'une boutique

2015-03-21 11.36.02.jpg

Jeudi 19 mars

Dès notre lever, nous contactons GreenLight Planet et là nous apprenons qu’ils n’ont pas de budget pour notre mission. Nous venons de passer 1 semaine à Bombay pour rien, si ce n’est pour faire des interviews et attendre de leurs nouvelles. Nous sommes un peu sous le choc. Sur les conseils d’Alexandra et d’Anne Charlotte, nous leur proposons une solution de la dernière chance: un défraiement de l’hébergement (1600 euros pour 4 pendant 1 mois et demi). Nous demandons à parler avec le directeur marketing qui avait l’air si assuré d’avoir 5 000 euros à sa disposition. Il doit nous appeler pendant l’heure du déjeuner. Nous attendons toujours son appel, malgré l’avoir relancé de nombreuses fois. Il s’est juste fendu d’un texto vendredi disant “je suis en contact avec le PDG pour les 1600 euros”.

Heureusement, nous avions prévu de retrouver Amol, l’artiste indien à midi. Nous le retrouvons dans Clark House, l’espace d’exposition. Il a apporté son ordinateur et nous montre toutes ses oeuvres une par une en nous expliquant comment il les a fait, l’idée qu’il a eu, etc... C’est vraiment bien. Je me demande si on aime bien ses oeuvres parce qu’on a ses explications ou si elles sont vraiment bien en soi. Beaucoup tournent autour de son père ou de son grand père, les deux ayant eu des vies mouvementées, entre balayeur et danseur, propriétaire terrien et metteur en scène. Par exemple, une des oeuvres est constituée de deux radiocassettes dont les bandes s’échangent. Il est parti d’un des nombreuses radiocassettes que son père enregistrait. Il a voulu mettre en place un dialogue. Quand une des cassettes est lue, l’autre l’enregistre. Et cela fait une boucle.

Notre quartier est plein d'art, un exemple sur le sol de Khala Goda

2015-03-15 15.28.32.jpg

Nous passons la fin de l’après midi dans un café wifi pour essayer de trouver une solution... Nous envoyons des mails tout azimuts. Nous pourrions rester à Mumbai/ partir au Sri Lanka/ Aller en Inde rurale. C’est assez stressant. Ce soir là, direction Bandra le quartier branché ! Un contact de Mathieu nous invite à une soirée organisée par les écoles américaines Ivy League (Columbia, Brown, Princeton et ...?). En effet, il a fait Columbia. Il nous présente à un social business Zaya, qui propose à des écoles pour les familles de revenus intermédiaires des solutions d’e-learning. Concrêtement, tous les enfants sont équipés de tablettes, qui sont connectées à un wifi spécifique. Les enfants réalisent des exercices, regardent des vidéos éducatives et ainsi il y a un suivi régulier de leur niveau. L’entreprise est intéressante mais s’oppose assez aux professeurs. Ils jugent en effet qu’ils ne suivent pas assez les élèves. Surtout, pour eux, les précédentes tentatives de mises en places de systèmes technologiques dans des écoles n’ont pas fonctionné à cause des instituteurs qui n’étaient pas assez technophiles. Ils insistent donc sur la formation des instituteurs et ont dans chaque classe un Zaya assistant. Nous sommes très intéressés car cela rentre dans notre cadre de mission. Mais l’équipement des classes est coûteux et le social business a besoin du soutien d’entreprises ou de dons. L’événement se déroule sur le toit d’un salon Jean Claude Biguine, et c’est open champagne avec des petits fours.

Mais très vite, il faut s’assoir et entendre des Alumni (anciens élèves) raconter leurs expériences professionelles. Il y a le boss de Twitter en Asie du Sud Est, une ex-championne indienne de tennis et la patronne d’une boutique vraiment belle dans Kala Godha (entre autres). C’est à chaque fois une sucession d’histoires plus ou moins intéressantes sur leurs vies et leurs business. Ce que l’on peut trouver à en redire: ils viennent vraiment d’environnement super privilégiés (cela me frappe). Ce que l’on peut leur reconnaître: ils ont tous à un moment ou un autre eu une expérience dans une ONG ou un social business.

Mais à 20h45 nous devons filer, nous allons boire un verre avec une belge que nous avons rencontré dans le Kerala. Elle est très sympa et moins enthousiaste sur la vie à Bombay. Son stage de 1 an commence mal, car les indiens l’ont laissé en quelque sorte dans un coin.

Vendredi 20 mars

Nous passons notre journée sur Internet, à lancer autant d’emails que possible. Nous savons qu’à partir de vendredi soir nous allons être bloqués pendant 2 jours car cela va être le week end et personne ne répondra plus à nos emails. Nous continuons jusqu’à en avoir mal à la tête. Nous avons une piste sérieuse: le Népal, pour une ONG qui travaille avec des veuves. Leur site internet est sérieux, mais il est nécessaire que nous les skypons. La fondatrice, Lily Pata nous propose un skype demain matin à 8h00. Le café wifi n’ouvre qu’à 8h30. Rendez-vous demain à 8h30. Nous tentons d’aller au cinéma, ça avait été une super expérience pour moi il y a 2 ans et demi à Varanasi. Un seul film passe dans tous les cinémas, c’est le jour de sa sortie: Hunterrr. Il s’agit d’un homme qui passe son temps à “chasser” des filles. La salle est aux ¾ vide, et il y a une écrasante majorité d’hommes. Le film n’est pas terrible, enfin surtout on ne comprend pas l’hindi et il n’y a pas de passages avec chansons et danses. Nous partons au bout d’une heure, principalement convaincus par les popcorns au caramel. Petit passage par McDo végétarien!

Un soir dans Bombay, il y a des rond-points pour piétons au dessus des rond-points pour voitures

2015-03-21 21.21.41.jpg

Samedi 21 mars

Réveil à 8h pour un appel avec Lily. Elle est très sympathique et nous expose ce qu’elle attends de nous: une mission de Business Development en gros. Son organisation est pour l’instant très efficace pour faire du lobbying en faveur des veuves népalaises. Elle a aussi mis en place des groupes de femmes dans les villages, et un centre de réhabilitation pour les femmes à Kahtmandu. Les femmes sont pauvres et sans formation, elles aimeraient développer des activités économiques, du micro-entrepreneuriat et auraient besoin de nous pour explorer des pistes et étudier la viabilité des différentes options. Je lui propose qu’avant de nous décider nous appelions la gestionnaire du programme d’activité économique pour voir si elle est autant enthousiaste que Lily sur notre venue.

L’après-midi, il est temps de décoller des écrans, nous en profitons pour faire toutes les galeries qui étaient fermées dimanche dernier. C’est un peu décevant comparé à la biennale de Cochi. Nous n’avons été convaincus que par l’exposition du Goethe Institute ! Puis, nous décidons d’explorer Mumbai, en particulier Malabar Hills, un quartier à l’ouest. Nous commençons par Banganga Tank, sur les conseils de Mathieu et Aurelia. Un vrai espace de détente au coeur de la folie de Mumbai. Des enfants se baignent, on se croirait au Rajastan, si on fait abstraction d’un immense immeuble en train de pousser non loin de là.

Le fameux réservoir

2015-03-21 18.12.33.jpg

Puis visite de quelques temples. Nous dinons dans un restaurant Gujarati délicieux (en particulier des samosas au fromage). Nous retrouvons ensuite Audrey, une autre amie, pour un verre. Le bar le plus sympa à mi-chemin est Café Zoé ! Ce bar, qui faisait penser à un Starbucks amélioré la journée, devient le soir un bar dansant bondé où les Indiens et Indiennes sortent leurs plus beaux atours. On est transporté dans un conte des milles et une nuits de paillettes et de taffetas. Retour à 2 heures du matin !

Dimanche 22 mars

Un réveil un peu plus tardif du coup. Nous retrouvons Anne Charlotte dans un restaurant encore recommandé par Mathieu et Aurelia. Il n’est pas loin du Crawford Market, que nous allons visiter. C’est moins l’endroit que ce qui y est vendu qui attire notre attention: des fruits, des légumes, de la viande et des animaux domestiques! Des petites boules de poil trop mignonnes sont endormies dans des cages. Nous allons récupérer internet dans un énième café wifi, car je vais avoir un tournage demain. En effet, nous avons contacté avec Cécile les agents. L’un m’a proposé un casting, et un autre m’a proposé un tournage directement. Nous partirons au pire lundi à 21h30. Les filles pourront appeler la gestionnaire du programme dans la journée et décider sans moi de si nous allons au Népal ou si nous restons à Bombay. Elles regardent les différentes options: train/bus/avion.

Une journée sur un plateau de tournage de pub.

Lundi 23 mars

Lever à 5h45, en effet le tournage a lieu tout au nord de Mumbai, à 1h de train de banlieue. Autorickshaw, train puis encore autorickshaw et me voilà arrivé dans une tour, la Knox Plaza. Apparemment les 3 étages sont dédiés aux films ou publicités se déroulant dans des bureaux. Ce sont donc de faux bureaux (un open space, un bureau de direction, une salle de réunion, un accueil). Et on m’explique que nous allons être les faux employés.

Il est 7h30, la journée commence par un copieux petit déjeuner. Certains acteurs se connaissent et se disent bonjour, se racontent des blagues. Il y a une moitié d’indiens, une moitié d’étrangers. Parmi les étrangers, on dirait que c’est l’arche de Noé des humains: des asiatiques, des noirs, des bruns et des blonds (enfin j’ai les cheveux clairs). Des nigérians m’abordent directement, ils sont super cools. Ils ont tourné dans des publicités nigérianes qui ont été réalisées à Bollywood pour le marché nigérian. Certaines personnes sont envoyées au make-up, puis voir les costumiers. Pour ma part je dois poireauter une bonne heure. C’est assez marrant, il y a une femme qui semble être la patronne, elle va partout, le visage encadré de longues boucles et engueule tout le monde. Autour d’elle, une nuée d’assistants qui essaient de la satisfaire. Puis vient mon tour d’être maquillé. C’est finalement assez rapide, je me croise dans les toilettes, tout orange.

Puis vient le moment du costume et là c’est plus compliqué, ils me font d’abord porter un pantalon bien trop grand, et une chemise à ma taille. En fait, il y a un atelier de couture avec une machine à coudre. Ils ont un pantalon à ma taille, mais il est bien trop court, ils défont le revers et en font un plus court. On rajoute une cravate et je suis fin prêt.

C’est sans compter qu’ils n’ont pas fini de préparer le “set”. Ils installent lumières et éléments supplémentaires au décor pour le rendre réaliste: post-its, petites stautes, horloges, posters aux murs. Il fait une chaleur de feu: déjà, il fait très chaud à Bombay, mais en plus les projecteurs réchauffent la salle. Tous se plaignent du maquillage qui coule.

Et là cela commence, le réalisateur arrive et on voit qu’il prend le relais et que la femme (qui est clairement la numéro 2, ils mangent ensemble, discutent ensemble. On dirait qu’elle s’occupe de tous les aspects logistiques, et lui du film). Il hurle à la ronde, “Toi, bouge de là !”, “Silence!!” “Actiooon!”. Nous n’avons pas de place attribuée, je traîne donc avec les nigérians dans un coin qui a l’air plus frais, et en fait nous nous retrouvons dans le champ de la camera pour la première scène (“Hey toi! Arrête d’agiter ce journal tu es dans le champ!”. Et là, de manière aléatoire, il dit “Quel est ton prénom? Félix. OK Félix tu vas aller t’assoir là bas, tu seras au téléphone et quand tu entends Sakat parler tu prend un air étonné puis tu rigoles”.

En fait, personne ne nous l’a dit mais la publicité est un film youtube pour une marque de transfert d’argent. Deux personnages principaux font le pari que ce n’est pas le “moyen le moins cher de transférer de l’argent” et ils perdent leur pari. L’un d’entre eux doit donc changer son nom pour “Imbécile” et l’autre arrive au travail avec une crête teinte en rouge. La première scène concerne le premier qui s’exclame “AAHHH ! Oui j’ai perdu mon pari. Maintenant je m’appelle Imbécile. I M B E C I L E ! Contents, alors laissez moi et reprenez le boulot!”. Nous sommes donc tous les collègues moqueurs. Nous faisons plusieurs prises, et dieu merci je me trouve sous une bouche d’aération ! L’air qui est en sort n’est pas frais mais cela fait au moins un petit courant d’air (ils ont fermé les fenêtres pour le bruit). Le réalisateur a l’air assez content de mon faux étonnement et de mon faux rire... Il y a plusieurs prises, puis il filme une autre partie du bureau dont je ne fais pas partie, où l’acteur répète la même phrase face caméra. Il est rapidement 13h, et nous avons faim !

Entre chaque prise, c’est l’occasion de sympathiser avec les acteurs. Ils sont hauts en couleurs et j’essaierai de tous les décrire à la fin, on dirait des personnages de cluedo.

Nous avons droit à un déjeuner indien pas mauvais. Ensuite, il faut se changer, nous allons tourner le second jour au bureau où arrive l’autre perdant de pari. Je reste dans la salle de maquillage car c’est l’endroit où il fait frais (Air Conditionné!). Quand arrive un indien, un vrai, avec les cheveux assez longs, épais et une moustache qui descend le long de son visage. Il a aussi un point rouge. En gros, il a l’air beaucoup moins sophistiqué que les autres acteurs indiens, qui sont tous musclés ou agés, parlant un anglais impeccable. En fait, il a accepté qu’on lui rase la tête, en laissant une crête. Un coiffeur/maquilleur se met à l’oeuvre, le rasant. Le réalisateur passe dans la salle, lui serre la main, en lui disant, c’est super, maintenant il faut teindre la crête en rouge. Le maquilleur lui fait un signe pour lui faire remarquer la moustache du héro. Le réalisateur s’exclame “Ah oui! On coupe la moustache!”. La belle moustache part en deux coups de tondeuse. C’est un autre homme, il a perdu 10 ans (en même temps il a une crête sur la tête). Rebelote, nous devons nous moquer de cet autre collègue qui a perdu son pari. Au départ, il faut juste rire en regardant la caméra, ce qui n’est pas difficile. Mais ensuite, il faudra rire en le regardant alors qu’il tire une tête d’enterrement. Ce qui est vraiment dur, c’est que même entre les scènes, le héro continue d’avoir l’air triste...

En tout cas, ayant compris le système d’aération et comme j’ai l’impression que l’on peut s’assoir où l’on veut, je me mets un peu à l’écart pour être encore sous une bouche d’aération. Les autres acteurs veulent percer, donc en réalité ils se battent un peu pour avoir le plus de temps à l’écran. Mais le réalisateur se rappelle de mon prénom...

“Félix !! Enlève tes lunettes et va te mettre à côté de ce bureau debout (bureau au milieu, en second plan)! Tu parles avec cette collègue et tu la dragues un peu, puis vous voyez votre collègue arriver et vous rigolez”. Et c’est reparti pour 1 heure de prise de vue. Il est bientot 17h et je suis angoissé car Cécile m’a annoncé que nous prenions le train à 21h du centre de Bombay pour Delhi. A 18h, le réalisateur veut réunir tous les acteurs. Il dit alors “Toi tu restes, toi tu peux partir, toi tu restes”... Et moi je dois rester... Je vais le voir en lui expliquant que j’ai un train à 21h. Il me dit qu’il me répondra dans 5 minutes... Rien n’arrive. Je sens le mauvais plan arriver où je serai obligé de rester car je serai apparu une fois dans cette nouvelle scène. Je me change, vais voir mon “agent”, et lui réclame mes 80 euros. Et là c’est tout un poème. Il faut le suivre partout pour qu’il accepte de demander à un mec de la production. C’est celui là que je dois suivre ensuite. Ils tentent de me convaincre de rester jusque 19h30 pour filmer rapidement. Il est 19h15... Je suis presque sûr qu’ils ne finiront pas de tourner la scène en 15 minutes. Après 30 minutes de récriminations, nous sortons de la tour, et au coin de la rue, un 4x4 à qui il faut demander la permission accepte du bout des lèvres. Puis nous allons voir une autre personne, qui passe finalement l’argent! Mon agent pendant tout le processus m’expliquait que je le stressais, que ce n’était pas normal, que je pouvais faire un effort. Puis quand je dois prendre mon autorickshaw: “Préviens moi si tu reviens à Mumbai!”... Eh oui, il a touché sa petite commission sur mon salaire.

Je me suis fait 80 euros et un petit boost à l’ego: une actrice qui me dit “Oh je pensais que tu étais mannequin!”. Mais au final, c’est un peu une activité illusoire basée sur le seul fait d’être blanc. En plus, malgré les rencontres sympas je me suis vraiment ennuyé.

On coupe les cheveux du second acteur principal

2015-03-23 14.27.57.jpg

Tests caméras

2015-03-23 12.00.25.jpg

Le "set"

2015-03-23 10.35.40.jpg

Les personnages:

  • La bimbo brune: Arrive en retard une blanche en robe longue et lunettes noires. Elle vient me voir en se plaignant de la nourriture, tout en me proposant que l’on demande de la nourriture “occidentale”. Je lui répond que j’aime assez la nourriture indienne vu que je suis végétarien. Elle me dit “Ooh moi je suis végétalienne !! Mais c’est juste pour perdre du poids”.

Je suis d’abord surpris car elle est berlinoise et est aussi actrice en Allemagne. Elle est assez réaliste finalement et m’explique qu’il est beaucoup plus facile d’être actrice à Bollywood même si ses rôles se limitent à une étrangère. Elle joue par exemple dans le film “Wedding Pullao”, un film de mariage où elle joue une étrangère invitée au mariage.

Et pendant une scène, quand je lui explique que nous faisons des missions, elle explique qu’elle aussi. En fait elle est missionaire ! Sa mère a vu Jésus Christ il y a 3 ans, et depuis elle est missionaire pour des Chrétiens Evangelistes. Elle me dit prier tout les jours pour éloigner le diable et que je dois trouver le chemin vers Jésus. Je suis un peu secoué.

  • La star indienne: il arrive, bodybuildé dans un petit marcel noir avec des aviator noires. Il essaye d’être pote avec tout le monde, et est finalement assez sympa. Sa petite manie est de se raser toutes les 2 heures avec un rasoir électrique !

  • L’américano-indienne: elle aussi a des lunettes noires, mais on a plus de mal à penser qu’elle pourrait devenir une star... Elle est très banale avec de petits boutons. Mais dès qu’elle parle on sent que ce devrait être possible. Elle y est déjà ! “Tu te rends compte, ils ne m’ont même pas mis du vernis à ongle! Mais qu’est que c’est que ces maquilleurs!” “Oh je vais leur demander qu’ils nous amènent des cookies”, tout ceci avec un fort accent américain.

  • Le bosniaque. Enorme armoire à glace qui sourit facilement. Il est très sympa jusqu’au moment où il déclame aux indiens sa version de la guerre du Kosovo où je manque de m’étouffer... Il me parle de sa passion des motos entre les scènes.

  • La kényane super cool, qui apprend qu’elle est deux fois moins payée que moi (on se demande si c’est la faute de son agent qui se prend une grasse commission).

  • La viennoise qui a fait des études de cinéma en Espagne et qui est accompagnée partout par sa mère, une version brune de Brigitte Bardot (maintenant). Elle n’est pas là entre les prises, mais est bien présente pour le petit déjeuner, le déjeuner et le dîner !

  • Le John Cuzak indien. Quand je lui dit qu’il ressemble à John Cuzak, il me dit “Ah non plutôt Nicolas Cage”. Il demande ce qu’est le Socialisme à notre ami Bosniaque et on est reparti sur une pente glissante

  • Le nigérian qui est pote avec tout le monde ! Il m’appelle quand même parfois Philip mais comment lui en vouloir c’est vraiment une crème. Pas de bol, ils lui donnent ensuite le rôle du vigile.

Il s’agit juste d’un petit échantillon.

Ensuite, de 19h30 à 21h30 c’est une vraie course contre la montre pour aller chercher les affaires d’Anne Charlotte, prendre le train de banlieue etc... Mais j’en ai marre de raconter des histoires d’embouteillages et de transport dans les pays que nous visitons. Je réussis à prendre le train c’est l’essentiel ! En effet, le call avec le Népal et Apasana (la program manager) s’est bien déroulé et le moyen le moins cher et le plus rapide de rallier Katmandu est de prendre le train jusque Delhi puis un avion. Au total 90 euros par personne !

Un petit éléphant sur les murs de Bombay

2015-03-21 18.26.18.jpg


bottom of page