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Rencontre avec Youri Dauber fondateur et directeur de Soccha et Drawbotics, entreprises sociales bas

Nous avons découvert Soccha dans le rapport sur la fracture numérique du Comité National du Numérique. Son fondateur, Youri Dauber a bien voulu nous rencontrer pour nous raconter comment son entreprise social réussit à réinsérer des personnes en difficulté à Madagascar et en Belgique à travers des formations informatiques.

Racontez nous votre projet

Des débuts prometteurs

Le projet a été lancé en Juin 2012. L’idée initiale était de « réinsérer à travers des formations informatiques à des personnes en difficulté », inspirée par un TED talk de la fondatrice de Samasource Leila Jannah. (lien pour le TedTalk de Bruxelles http://www.youtube.com/watch?v=319sQ9s-lyQ). Samasource propose de l’outsourcing, des tâches simples à effectuer en anglais sur internet à des personnes dans des pays « en développement ».

Nous sommes allés à Madagascar en Janvier 2012, pour réaliser une étude de marché ainsi qu’une étude socio-économique. C’est un pays où le taux d’alphabétisation est très bas, et les taux de pauvreté, de chômage et d’abandon scolaire très élevés. Cependant les personnes que nous avons rencontrées avaient un esprit cartésien avec une grande capacité d’apprentissage. Nous avons donc décidé d’organiser notre première formation.

Celle-ci a été réalisée en partenariat avec des espaces pôle emploi belge. Grâce à un partenaire entreprise local (Telma), une quarantaine de personnes ont pu être formées. Ensuite nous souhaitions formaliser l’acquisition d’une compétence, nous délivrons des certificats de formation aux personnes qui maîtrisent les concepts abordés (50% d’une session en général). Puis, 30% des formés passent un examen chez Microsoft, qui délivre un diplôme de « Microsoft Specialist » à un tiers des candidats (10% de nos effectifs initiaux).

Très vite, nous avons eu la volonté de redonner du travail aux personnes que nous avions formées, et pas seulement des diplômes.

Au-delà de la formation, la création de deux entreprises

Un des premiers volets a été la constitution d’une SARL malgache. Depuis le début, les activités proposées ont été des tâches d’outsourcing basique. Les embauches réalisées l’ont été en fonction des besoins de l’activité. Au départ nous avons embauché 4 personnes de la première formation. Depuis le début, le nombre d’embauches représente 10% des diplômés, soit une quinzaine d’embauchés. L’autre volet est la mise en relation avec des entreprises partenaires.

Nous avons donc commencé des tâches d’outsourcing par exemple du réencodage d’archive. Cependant, il est vite apparu qu’un travail physique en Belgique était nécessaire au préalable : avant de réencoder les archives, il fallait récupérer puis scanner les données. Pour réaliser ces tâches d’outsourcing non délocalisables, nous avons donc constitué une SPRLFS. Il s’agit en droit belge d’une SARL à Finalité Sociale, avec une obligation de non-dividende, et 70% de l’effectif contrat activa (employés défavorisés). Soccha Belgique embauche en CDD de plus de 3 mois des chômeurs longue durée et réalise au préalable une formation d’une semaine de « mindset entreprise ».

Soccha rencontre des difficultés

En novembre 2012, les 5 fondateurs sont découragés face à toutes les résistances qu’ils rencontrent. Nous nous rendons compte que l’outsourcing fait peur, l’outsourcing social fait peur, et enfin l’outsourcing social à Madagascar fait encore plus peur. D’autre part, il apparaît qu’en Belgique, les entreprises sont peu sensibles à des arguments solidaires. La RSE n’est pas aussi développée qu’en France. Nous sommes de plus en concurrence avec de grandes sociétés d’outsourcing sur le créneau classique. L’entreprise fonctionne donc à peu près en Belgique en termes financiers. L’idée de soutenir l’emploi en Belgique est plus facile à vendre. Toutefois, il est difficile d’encadrer des chômeurs longue durée. Madagascar ne fonctionne pas vraiment, la société dégage quelques bénéfices, mais en prenant en compte la contribution aux formations, l’entreprise est en perte. Un des fondateurs est resté à Madagascar, les 4 autres associés sont en Belgique.

Soccha trouve son marché, lancement de Drawbotics

C’est à la fin 2012- début 2013 que tout s’accélère. Nous cherchions des missions qui pourraient être faites à distance. Deux métiers se définissent : les plans interactifs et le métier de la veille médiatique (francophone). Ce sont des métiers de niche où nous décidons de nous spécialiser, pour ne plus être en concurrence frontale avec les grandes entreprises d’outsourcing. Et d’autre part, ce sont des métiers récurrents, car la principale difficulté de l’outsourcing est son caractère non-récurrent, qui rend difficile l’embauche à long terme.

Et le pari de ces 2 métiers est un pari gagnant : Pour les plans interactifs, nous fondons une nouvelle société (SARL Malgache) Drawbotics, qui est toujours une entreprise sociale puisqu’elle finance les formations et emploie des personnels issus des formations. Toutefois, l’engagement social est moins mis en avant, car peu demandé par les clients. Nous réussissons à faire une levée de fonds en Belgique, et les contrats tombent. Aujourd’hui c’est une entreprise qui emploie 6-7 personnes mais à terme nous pensons embaucher 60-70 personnes.

que l’initiative début du replacement, marche plus ou moins bien. Par formation on en place entre 5 et 6, on envoie leur CV à des entreprises partenaires.

Du coup, Soccha s’est focalisé sur l’autre activité, le métier de la veille médiatique. Il est sous-traité pour de plus gros clients, nous avons établi un partenariat avec un très gros acteur européen. Ce client va mettre une partie des bénéfices à contribution pour les formations.

Soccha et Drawbotics en chiffres

Business Model de l’Outsourcing Solidaire :

Nous avons un avantage concurrentiel en Belgique, les profils précarisés coûtent moins cher. Ainsi nous sommes beaucoup moins cher que nos concurrents. Pour ce qui est de l’outsourcing à distance il existe beaucoup de concurrents directs, outsourcing de masse. Nous facturons à peu près 1h pour 6€, alors que ces grosses entreprises facturent 1h pour 3€. Nous avons du construire des offres à plus forte valeur ajoutée, c’est-à-dire trouver des niches où nous étions meilleurs.

A Madagascar Soccha engage les jeunes de la formation, en général 10% des diplômés, une quinzaine, nous pensons passer à 35 personnes embauchées en 2014.

Business Model : Finances et Ressource Humaines

En Belgique et à Madagascar, sur la première année (2012) nous avons dégagé 70 000 euros de chiffre d’affaires. La société tournait les fondateurs ne se payaient pas de salaire, nous pouvions payer les employés, un bureau.

2013 a été de la croissance, nous avons réalisé 550 000 € de chiffre d’affaires, nous avons réussi à nous payer à partir de mars 2013.

Les perspectives pour 2014, c’est d’abord un développement à Madagascar. En Belgique, nous n’avons aucune volonté d’être agence intérim, nous allons continuer sur la base d’une vingtaine d’employés, avec dix personnes en staff interne, dont une personne en RH, une en commercial et deux stagiaires. Sur Madagascar, nous allons embaucher, puisque l’entreprise va passer de 15 employés (6 sur drawbotics, 7 veille médiatique , 2 personnes middle office) à 35 employés. Les emlbauches auront lieu surtout sur la veille médiatique avec pour objectif un effectif de 30 sur Soccha 30 et de 5 dans Drawbotics. Nous avons pris le parti de faire plusieurs sociétés, de la diversification pour diminuer le risque.

A plus long terme, nous souhaitons continuer à créer des entreprises sur des business model spécifiques, nous diversifier, aussi sur le plan géographique. Nous souhaiterions ouvrir une antenne en Amérique du Sud (et ainsi adresser peut être le marché hispanophone). Nous pensons aussi qu’il sera possible de répondre à des besoins Sud-Sud et pas seulement Nord-Sud.

Nous souhaitons aussi nous développer en France. Nous sommes pour ceci accompagnés par plusieurs partenaires : la fondation Face ainsi que CapGemini. Nous allons créer une structure sociale sous la forme d’un Groupement d’intérêt économique, et créer une offre avec eux d’outsourcing informatique social. CapGemini apportera la partie business, la Fondation FACE amènera les profils, et Soccha le management ainsi que l’expérience.

Pourquoi s’être lancés dans l’entrepreneuriat social ?

C’est réellement lors d’un événements TED que tout est parti. Un des associés sortait de polytechnique, et gérait un projet au Cameroun ; Xavier terminait master ; Youri gérait fond d’investissement privé dans immobilier bourse, et le quatrième était consultant informatique. En novembre 2011 nous avons donc entendu ce TED talk de Leila Jannah la fondatrice de Samasource.

Nous étions tous plus ou moins partis dans la vie « classique », et nous nous posions pas mal de questions sur l’utilité de ce que l’on faisait. En l’entendant parler nous avons vu qu’elle arrivait à associer un boulot où elle gagne de l’argent et un boulot qui a un impact. Bien entendu nous avons un business model différent, Samasource est une ONG qui fait beaucoup de levées de fonds, alors que nous sommes quasiment autofinancés.

Nous ne militons pas pour que toutes les entreprises se transformer en ONG, mais nous essayons de faire comprendre à nos clients l’importance de leurs fournisseurs. Nous essayons de démocratiser l’impact social dans les entreprises.

Il y a eu des hauts et des bas, on ne se payait pas au départ. Les clients s’en foutaient, entre le social et le monde de l’entreprise, ce n’est pas toujours évident. Mais il ne faut pas désespérer et après une refonte de notre modèle, les perspectives d’avenir sont bonnes !

Pour en savoir plus sur Samasource : « Samasource donne du travail facile à exécuter sur Internet par des personnes ayant des capacités d’écriture en anglais sur des tâches assez basiques »

http://blogs.lexpress.fr/silicon-valley/2013/10/28/une-semaine-dans-la-silicon-valley-samasource/

Pour en savoir plus sur Soccha : http://www.soccha.com/fr/ et Drawbotics : http://www.drawbotics.com/

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